CHOLANGIO-PANCREATOGRAPHIE RETROGRADE ENDOSCOPIQUE COUPLEE A LA SPHINCTEROTOMIE ENDOSCOPIQUE [28][40]
CHOLANGIO-PANCREATOGRAPHIE RETROGRADE ENDOSCOPIQUE :
La cholangio-pancréatographie rétrograde endoscopique (CPRE) est une technique de référence dans le diagnostic et le traitement des affections biliopancréatiques. Ses indications se sont modifiées : la CPRE est maintenant rarement utilisée pour ses applications diagnostiques et précède, le plus souvent, un geste thérapeutique endoscopique.
a. Matériel et méthode :
Il s’agit d’une technique combinant l’endoscopie et la fluoroscopie. Les points spécifiques de cette procédure sont:
- l’installation radiologique de qualité en privilégiant un matériel permettant plusieurs incidences et une gestion par un personnel de radiologie qualifié ;
- le matériel endoscopique à vision latérale, si possible, à large canal opérateur ;
- la réalisation sous anesthésie générale (avec intubation trachéale pour les procédures longues).Des recommandations communes à toute procédure endoscopique (information du patient, antibioprophylaxie et risque hémorragique lié aux troubles de coagulation et/ou aux prescriptions médicamenteuses) doivent Être respectées dans la réalisation de cette procédure à risque.
b. Technique :
Les points-clés sont les suivants :
1. Un cliché centré sur le carrefour biliopancréatique, en décubitus dorsal, est utile pour vérifier le bon fonctionnement de la table et mettre en évidence de la baryte résiduelle ou des calcifications pancréatiques. Si un drain transcystique ou un drain de Kehr est en place, une opacification de la voie biliaire par ce drain est recommandée pour confirmer l’indication et pour, parfois, faciliter le geste.
2. Pour se positionner face à l’ampoule, le décubitus latéral gauche ou 3/4 ventral est préférable, sauf en cas de contre-indication de l’anesthésiste concernant ces positions. Le décubitus dorsal permet de mieux analyser les lésions pancréatiques et hilaires. L’endoscope doit Être le plus droit possible (route courte), mais dans certains cas (papille bas située, cathétérisme de la petite caroncule), il peut Être utile de pousser l’endoscope et de faire une boucle dans l’estomac (longue route).
3. Le franchissement du pharynx, du cardia et la progression dans une anse afférente (Billroth II) doivent Être conduits avec douceur. L’impossibilité de progression du tube doit amener à reconsidérer le geste, éventuellement en proposant une exploration par un endoscope à vision axiale.
4. Une analyse précise de la région ampullaire permettra de visualiser certaines pathologies et de choisir la meilleure approche pour le cathétérisme de la papille.
5. La canulation est effectuée à l’aide d’un cathéter purgé. Elle sera, au mieux, sélective. Il est recommandé d’utiliser, d’emblée, un sphinctérotome pour l’opacification si une sphinctérotomie est envisagée. Aucune substance pharmacologique n’a démontré son efficacité pour favoriser la canulation. L’utilisation d’un fil-guide radio opaque, hydrophile, doit Être rapidement envisagée en cas d’échecs itératifs de cathétérisme sélectif, ou choisie d’emblée. On gardera à l’esprit que la morbidité est fonction du nombre de tentatives et de la durée de l’examen.
En cas de nouvel échec, plusieurs attitudes peuvent Être choisies en fonction de l’indication et de l’expérience de l’opérateur :
- choix d’une autre méthode diagnostique ou thérapeutique ;
- transfert vers un centre spécialisé à forte expérience ;
- poursuite de la procédure par une précoupe ou une infundibulotomie. Les diverticules duodénaux peuvent rendre difficile le cathétérisme.
Diverses astuces ont été proposées (éversion de la papille par injection sous-muqueuse, traction par pince à biopsie ou clip…) ; aucune de ces procédures n’a été validée. Le cathétérisme de la petite caroncule est plus difficile. Il nécessite de changer le duodénoscope de position, d’utiliser des cathéters spéciaux à bouts effilés.
Une fois le cathétérisme sélectif obtenu, l’injection de produit de contraste doit Être progressive, en particulier si l’on recherche un calcul cholédocien, jusqu’à une bonne visualisation des voies biliaires intrahépatiques et/ou des canaux pancréatiques primaires.
Il faut éviter le remplis- sage itératif de la vésicule biliaire (risque de cholécystite) et les parenchymographies pancréatiques (risque de pancréatite aigue).Concernant le produit de contraste, il ne semble pas exister de différence entre un agent de contraste hyper- osmolaire ou iso-osmolaire en ce qui concerne la morbidité ; il n’entraine pas de réaction d’allergie à l’iode ; l’adjonction d’un antibiotique n’est pas nécessaire.
c. Indications :
L’emploi de la CPRE à visée purement diagnostique a considérablement diminué en raison des performances obtenues par les autres méthodes diagnostiques : écho- graphie, scanner, IRM, échoendoscopie.
Elle garde un intérêt spécifique pour le diagnostic des lésions canalaires débutantes (cholangite sclérosante, pancréatite chronique), des variations anatomiques (pancréas divisum, anomalies de la jonction biliopancréatique), de la pathologie tumorale ampullaire et pour la réalisation de certains prélèvements ( biopsies ampullaires , recherche de microcristaux, cytologie endocanalaire…). Il reste un examen de recours en cas de problème diagnostique non-résolu par les autres méthodes.
LA SPHINCTEROTOMIE ENDOSCOPIQUE
La sphinctérotomie endoscopique biliaire (SE) a pour but d’assurer un drainage biliaire efficace. Elle permet l’évacuation spontanée ou instrumentale de calculs biliaires, de parasites.
En cas d’obstacles biliopancréatiques inextirpables, la SE autorise le passage de drains ou de prothèses.
a. Matériel :
- Le sphinctérotome à arc de type Demling-Classen, mis en tension par traction, est le sphinctérotome de base. Des sphinctérotomes aux caractéristiques variées (longueur du fil de coupe, garde longue ou courte, présence ou non d’un fil-guide, isolement électrique proximal du fil de coupe…) sont disponibles.
Chaque opérateur aura ses préférences mais doit obéir à deux principes pour réaliser une sphinctérotomie sécurisée :
Le matériel doit Être bien orienté dans la voie biliaire, et le fil de coupe ne doit pas Être inséré trop profondément.
- Dans le cas particulier des anastomoses de type Billroth II, des sphinctérotomes spécifiques (Soma, sigmoïde...) ont été mis au point.
b. Technique :
Une SE trop courte est source d’échec d’évacuation des calculs, trop longue : source d’hémorragie ou de perforation. La longueur de la coupe dépend de la pathologie à traiter, de l’aspect macroscopique de l’ampoule et des informations recueillies lors de la manipulation du sphinctérotome.
Au moment de la SE, la moitié ou le 1/3 seulement du fil de coupe doit Être à l’intérieur de la papille, l’autre portion doit Être visible. Avant de sectionner, on s’assure que le cathétérisme de la voie biliaire est toujours sélectif. La coupe doit Être progressive, sans tension excessive du fil de coupe.
La SE s’effectue en appliquant de brèves décharges de2 à 3 secondes d’un courant électrique à haute fréquence en alternant section (80 à 120 watts) et coagulation douce (60 watts). Un courant de section est employé pour les 5 à 7 premiers mm afin d’éviter de coaguler l’orifice pancréatique (pédale jaune), puis un courant de coagulation agrandit l’ouverture en hauteur limitant ainsi le risque d’hémorragie artérielle (pédale bleue).
Lorsque l’on utilise l’« endocoupe », l’alternance section- coagulation est calculée automatiquement et la pression sur la pédale de section doit Être continue (Module 2 de hémostase, 80 watts).En cas de difficulté d’accès à cathétériser profondément le cholédoque, une précoupe ou une infundibulotomie peut Être employée.
Ce geste, plus risqué que la simple CPRE, sera réservé aux opérateurs expérimentés.
- Une précoupe peut Être effectuée à l’aide d’un sphinctérotome à arc sans garde distale ou d’un sphinctérotome à aiguille distale rétractable. Il s’agit d’une section courte et progressive (3 à 5 mm) de l’orifice papillaire vers l’infundibulum dans la direction présumée de la voie biliaire.
Cette incision s’effectue plan par plan. Une infundibulotomie est effectuée avec un sphinctérotome à aiguille distale rétractable lorsque l’infundibulum est distendu.
Il s’agit de constituer un orifice sus-papillaire en disséquant, plan par plan, l’infundibulum dans la direction présumée de la voie biliaire (courant de section). Cette méthode est particulièrement adaptée aux calculs enclavés dans l’ampoule de Vater, le calcul servant de billot pour la section.
c. Indications
Indications validées :
- lithiase de la voie biliaire principale après cholécystectomie ;
- lithiase de la voie biliaire principale en cas d’angiocholite sévère ;
- pancréatite aigue ictérique ou sévère dans les72 heures ;
- temps préalable à la mise en place d’une prothèse ou d’un drain nasobiliaire. La sphinctérotomie n’est cependant pas obligatoire dans ces cas ;
- cholédococèle ;
- Certaines parasitoses des voies biliaires (ascaridiose, distomatose).
Indications discutées :
Le choix pour la réalisation d’une CPRE + sphinctérotomie sera discuté en fonction des conditions locales (expertises des opérateurs, disponibilité du matériel, ...) et du contexte clinique :
- lithiase de la voie biliaire principale avec vésicule en place en dehors de l’urgence (discussion avec la chirurgie) ;
- pancréatite aigue en dehors de la pancréatite aigue ictérique ou grave dans les 72 premières heures ;
- dysfonctionnement du sphincter d’Oddi (discussion avec l’abstention thérapeutique) ;
- adénocarcinomes ampullaires au stade palliatif (discussion avec la prothèse seule) ;
- fistules postopératoires simples (discussion avec le drain nasobiliaire seul).
COMPLICATIONS :
La fréquence des complications est essentiellement fonction de l’expérience de l’opérateur, de la pathologie en cause et de la technique utilisée, ce qui explique les différences entre les chiffres rapportés par les différents groupes.
Les 4 principales complications sont :
la pancréatite aigue, l’infection biliaire, la perforation et l’hémorragie. Les 3 premières peuvent Être observées avec le cathétérisme simple. Les complications se manifestent dans les quelques heures (pancréatite aigue), voire dans les quelques jours suivant la sphinctérotomie (hémorragie, perforation rétropéritonéale).
1. La pancréatite aigue : Elle est imprévisible quant à son apparition et sa gravité. Elle est rarement grave mais est plus fréquente en cas de dysfonctionnement du sphincter d’Oddi, d’âge jeune du patient, de difficultés d’opacification de la voie biliaire (injection de produit de contraste à plusieurs reprises dans le pancréas, et utilisation de la précoupe dans les groupes peu expérimentés).
Le traitement est, la plupart du temps, médical associant antalgique et repos digestif.
La pancréatite peut évoluer pour son propre compte et nécessite alors un traitement spécifique. La somatostatine, le gabexate ou l’interleukine 10 pourraient prévenir le risque et la sévérité des pancréatites aigues post-CPRE mais leur emploi doit faire l’objet d’évaluations complémentaires.
2. Les complications biliaires : L’angiocholite est de plus en plus rare depuis le développement de la sphinctérotomie et des endoprothèses. Elle est prévenue par un drainage efficace de l’ensemble de la voie biliaire.
Le risque de cholécystite ne doit pas Être méconnu. Le traitement en sera conservateur ou chirurgical. L’antibioprophylaxie ne prévient pas systématiquement ces complications infectieuses.
3. Les perforations : La perforation liée au passage du duodénoscope est exceptionnelle, le plus souvent duodénale (favorisée par un montage de type Billroth II), imposant alors une chirurgie réparatrice rapide .
La perforation rétropéritonéale survient lors de la sphinctérotomie ou des procédures associées. Elle peut Être diagnostiquée au cours de l’examen.
Elle n’interdit pas la poursuite du geste endoscopique en fonction du contexte clinique. Les conséquences anatomiques seront, au mieux, analysées par le scanner.
Généralement, elle sera traitée médicalement (antibiothérapie, alimentation parentérale) après concertation médicochirurgicale, en tenant compte de la nécessité, ou non, de traiter la pathologie biliaire sous-jacente.
4. L’hémorragie : L’hémorragie est la plus fréquente, rarement sévère. En cas d’hémorragie, il est préconisé d’attendre 3 minutes un arrêt spontané. En cas de persistance du saignement, diverses options peuvent Être choisies : injection de vasoconstricteur, hémoclips ou compression par ballon, ou traitement thermique sans traumatiser l’orifice pancréatique situé sur la berge latérale droite de la SE.
Le traitement endoscopique est le plus souvent suffisant. L’embolisation artérielle et/ou la suture chirurgicale ne sont qu’exceptionnellement indiquées.
SURVEILLANCE :
Habituellement, les patients sont gardés en hospitalisation pendant 24 heures suivant la sphinctérotomie. Les critères de surveillance sont : pouls, tension artérielle, température, palpation abdominale, présence de symptômes (douleurs abdominales, arrêt du transit intestinal, vomissements).
L’alimentation sera reprise, en général le lendemain, en l’absence d’anomalies cliniques et/ou biologiques. En cas de douleur, un dosage de l’amylasémie est réalisé, la signification clinique de l’importance des taux restant relative.
En cas de complication suspectée, les examens complémentaires suivants sont à réaliser : échographie et/ou tomodensitométrie en cas de suspicion de pancréatite sévère ou de perforation rétro- péritonéale, échographie en cas de suspicion d’infection biliaire, endoscopie digestive haute en cas d’hémorragie.
La réalisation d’une sphinctérotomie ambulatoire est possible pour des indications simples chez des patients en bon état général pouvant Être surveillés à domicile, ceci pour des équipes organisées pour assumer une telle pratique.
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